Le lien entre l'Aïkido et l'acupuncture peut être trouvé dans leur philosophie et leur approche holistique du corps et de l'esprit.
C’est l’Aïkido que j’ai débuté en 1974 qui m’a doucement amené d’abord à l’ostéopathie (D.O. en 1995) puis à l’acupuncture au tout début des années 2000.
L’étude de ces deux disciplines médicales se posait comme une évidence dans mon idée du rapport à l’autre avec un esprit de bienveillance comme il doit apparaître clairement sur le tatami entre Tori et Aïté. L’aspect traditionnel et les similitudes entre l’acupuncture et l’Aïkido réunissent bien souvent ces deux disciplines chez une même personne.
Par les idéogrammes japonais qui le définissent, Aïkido signifie « la voie de l’union, de l’harmonie des énergies », n’en est-il pas de même pour l’acupuncteur qui par un savant usage de ses aiguilles va ré-harmoniser les énergies du corps pour soigner son patient et le mettre en homéostasie, c’est-à-dire en parfait équilibre de santé.
L'Aïkido est un art martial japonais qui met l'accent sur la non-violence, la recherche de l'harmonie et l'utilisation de la force de l'adversaire contre lui-même. Les pratiquants cherchent à développer un état d'esprit calme et centré, ainsi qu'une conscience aiguisée du mouvement du corps et de l'énergie.
L'acupuncture, quant à elle, est une composante de la médecine traditionnelle chinoise qui repose sur la stimulation de points spécifiques sur le corps à l'aide d'aiguilles fines. L'objectif est de rétablir l'équilibre énergétique du corps et de favoriser la circulation de l'énergie vitale, appelée Qi, à travers les méridiens.
Le lien entre l’Aïkido et l’acupuncture réside dans leur approche holistique de la santé et du bien-être. Les deux disciplines reconnaissent l’interconnexion entre le corps et l’esprit, ainsi que l’importance de l’harmonie et de l’équilibre pour maintenir une bonne santé.
De nombreux pratiquants d’Aïkido ont recours à des techniques de relaxation, de respiration et de méditation similaires à celles utilisées en acupuncture pour cultiver une conscience corporelle profonde et promouvoir le bien-être physique et mental. De plus certains principes de l’Aïkido, tels que la circulation fluide de l’énergie et l’adaptation aux mouvements de l’adversaire, peuvent être analogues aux concepts de flux d’énergie et d’équilibre des forces présents dans l’acupuncture.
Bien que les origines de l’Aïkido et de l’acupuncture soient culturellement différentes (japonaise pour l’Aïkido et chinoise pour l’acupuncture), les deux disciplines sont influencées par des philosophies orientales telles que le taoïsme et le bouddhisme.
Elles partagent des principes de non-résistance, d’adaptabilité et d’harmonie avec l’univers, ce qui peut créer des parallèles philosophiques et spirituels entre les deux pratiques.
L’Aïkido et l’acupuncture peuvent être bénéfiques pour la gestion du stress et des émotions. La pratique de l’Aïkido peut aider à développer la résilience émotionnelle et la capacité à rester calme sous pression, tandis que l’acupuncture peut aider à réduire le stress en rééquilibrant les systèmes nerveux sympathique et parasympathique.
Comme en Chine, au Japon, les médecines traditionnelles japonaises ont aussi intégré l’acupuncture, correspondant à une idée ancestrale de soigner en mobilisant le Ki, en traitant les pathologies résultant d’une insuffisance ou d’un excès de Ki dans différents méridiens, tout en appliquant aussi les principes fondamentaux tels que Yin-Yang, surface-profondeur, froid-chaleur, etc.
Au Japon, pays d’origine de l’Aïkido, l’acupuncture s’est développée avec différentes approches, différentes techniques : Sesshoku-shin (acupuncture de contact), Hiffu-shin (acupuncture cutanée), Chi-shin (aiguille retenue), Tan-shin (aiguille insérée), Jaku-taku (technique de picorage), Da-shin (acupuncture avec un maillet ou marteau fleur de prunier), Kyutoshin (association acupuncture et moxa), shonishin (acupuncture pédiatrique)…
En sens inverse, la Chine pratique aussi l’Aïkido. De nombreux dojos ont vu le jour malgré une certaine retenue pour des raisons historiques et politiques. Mais les chinois ont sans doute bien compris que notre art martial est parfaitement logique pour leur culture taoïste.
En somme, bien que l’Aïkido et l’acupuncture soient des pratiques distinctes, elles peuvent se compléter mutuellement dans la promotion du bien-être physique, mental et émotionnel, en favorisant l’harmonie, l’équilibre et la conscience de soi.
Christophe PAGE
Les deux termes (Ki) Awase et (Ki) Musubi font intrinsèquement partie de la nomenclature historique des arts martiaux japonais et ont existé bien avant que l'Aïkido « moderne » ne les emploie. Alors qu'en apparence, ils relèvent plutôt de la sphère conceptuelle que du domaine technique ils jouent, en réalité, un rôle fondamental dans toutes les pratiques martiales nippones. En Aïkido leur usage est néanmoins plus spécifique puisque l'on peut avancer que c'est seulement lorsque Awase et Musubi sont mis en œuvre que le principe « Aïki » peut véritablement se manifester.
Comme toujours, il est nécessaire de définir d'abord un principe par des mots, aussi limitant soient-ils. Nous garderons donc à l'esprit que notre perception analytique bien française différera de celle d'un japonais dont la vision serait plutôt globale.
Comme toujours également, si la première difficulté rencontrée par une analyse de ce type réside bien dans son besoin de clarification théorique, le second des soucis rencontrés par le pratiquant émergera lorsqu'il s'agira de mettre la « chose » en pratique.
Awase
Dans la majorité des écoles d’armes japonaises, on emploie le terme « Awase » pragmatiquement, pour parler du moment où les extrémités des armes en viennent à se croiser, lors de la prise de contact.
Il n'y a donc là rien d'incompatible avec la pratique escomptée en Aïkido, si l'on passe par exemple de l'image du Bokken (ou Bokuto) à celle de la main-épée (Te-katana). Venant du verbe Awaseru qui signifie se rencontrer, le mot « Awase » signifie se mélanger, se fondre. En Aïkido, le principe même d'Awase consiste donc à se fondre dans le mouvement de l'attaquant pour en prendre le contrôle. La démarche demande de la subtilité car, ainsi que le disait constamment maître Tamura Nobuyoshi, il s'agit de « ne pas déranger » Uké/Aïté.
Tous les éléments techniques de l'Aïkido s'articulent en fait à travers Awase, qu'il s'agisse de la distance, de la position, de la direction, de la vitesse, du tempo, de la puissance, et - bien sûr - de l'esprit.
Le premier but d'Awase vise à guider Uké/Aïté avec, comme pré-requis, de s'unir d'abord avec lui.
Mais comment y parvenir ? Pour schématiser, on peut considérer qu'il y a trois façons de répondre à une agression. La réponse primaire vis-à-vis d'une attaque est l'emploi d'un blocage pur et simple. Une réponse plus évoluée vise à dévier au mieux l'assaut effectué ou à sortir de l'axe de l'attaque. La réponse la plus élaborée consistera à « pénétrer » suffisamment l'attaque pour se l'approprier, la canaliser, la conduire et l'annihiler. C'est dans ce dernier cas que l'on peut parler d'« Awase »...
Musubi
En ce qui concerne le terme « Musubi », le principe recouvre l'idée d'un lien s'établissant entre les énergies des adversaires. Toujours dans la majorité des écoles d’armes japonaises, l'idée est alors de travailler au moment « parfait » ou « juste », c'est-à-dire, en fait, au « dernier » moment. L'engagement est alors tel que, pour l'attaquant, tout arrêt et, a fortiori, tout retour en arrière est devenu impossible. En suivant le même principe fondamental, en Aïkido, il faudra que Tori ait le courage d'attendre ce point de non-retour de l'attaque pour que le lien puisse s'établir de manière inéluctable. On peut observer cette situation lorsque les mouvements de deux combattants semblent régis par une sorte de simultanéité. Cet aspect dépasse la notion de « ré-action » autant que d'anticipation et ferait plutôt penser à une sorte de phénomène magnétique reliant les deux adversaires. Il n'y a pas d'avant ou d'après il n'y a qu'un « maintenant » conjoint aux deux individus. Visuellement, ce principe n'est perceptible que lors de la partie « mobile » de la technique alors que fondamentalement tout est joué avant le commencement du mouvement.
Comment s'y entraîner ?
Pour mettre ces deux principes en pratique, la procédure consiste – pour Tori – à ne pas attendre l'attaque mais à la déclencher. C'est seulement comme cela, grâce à cette marge spatio-temporelle (Yoyu) dont il bénéficie, qu'il peut espérer accorder parfaitement ses mouvements à ceux de celui qui n'est alors déjà plus un attaquant. C'est exclusivement parce que Tori n'est jamais en retard qu'attaquant et attaque peuvent être immédiatement captés.
En pratique, il faut que, lors de l'engagement initial, Tori se déplace au mieux, sans jamais être déséquilibré. Il doit par contre veiller à organiser la déstabilisation et la limitation de la mobilité d'Uké/Aïté. Pour ce faire, il lui faut agir au moment opportun, c'est-à-dire ni après ni pendant l'attaque (ni en réaction, ni en action) mais antérieurement à l'attaque, en une sorte de « pré-action » qui ne relève cependant pas de l'anticipation.
C'est là que réside la difficulté majeure de ce type d'approche.
C'est cependant ce principe, cette marge qu'il met en place, qui va permettre à Tori de déclencher l'attaque qui n'est alors plus une action effectuée de façon autonome par Uké/Aïté. C'est le prétendu « défenseur » qui devient l'initiateur, Tori n'étant plus l'esclave de l'attaque mais son maître. C'est une telle approche qui permettait à O'Senseï Ueshiba Moriheï d'être toujours au cœur du mouvement et, d'aspirer ses adversaires. En initiant la technique et en guidant convenablement Uké/Aïté, il parvenait à « absorber » ce dernier. Il n'est que d'analyser les films dans lesquels il apparaît, pour constater qu'il ne semblait pas se préoccuper véritablement d'une captation technique de l'individu mais plutôt de sa « prise en charge » psychique autant que corporelle. Le travail d'un maître comme Hikitsuchi Michio reflétait précisément ce type d'approche.
Certains éléments incontournables
Pour parvenir à un tel degré de pratique, il faut d'abord que Tori soit en accord avec lui-même car ce n'est que lorsque l'on est à sa place sur terre que l'on peut (enfin !) s'oublier. On parle de l'état d'être « Muga- Mushin » (être dans un état de vide intérieur, textuellement « sans ego - sans pensée »).
Dans bien des cas, avant d'en arriver là, le pratiquant pense d'abord à se développer physiquement, à être le plus compétent possible techniquement, il veut absorber l'Aïkido, le faire sien. Pourtant – après bien des années passées à forger son corps et sa technique – ce qu'il va être amené à découvrir (s'il est correctement guidé et travaille sincèrement) c'est qu'il ne pourra fusionner avec Uké/Aïté que s'il fait abstraction de tout ce qu'il a mis des années à développer. Il lui faudra laisser son ego de côté, oublier toute pensée, car ce n'est qu'ainsi que toute notion de conflit perd son sens...
Il s'agirait donc d'être en accord avec soi-même humblement et modestement, avant de s'oublier pour pouvoir s'unifier avec tout ce qui nous entoure – adversaire(s) inclus – ainsi que Ueshiba Moriheï l'évoquait lorsqu'il parlait d'être « en harmonie avec l'univers entier, avec le Ki qui nous entoure ».
Il ne s'agit donc pas, après tout, d'être le plus fort mais bien plutôt de s'accorder avec ce qui nous entoure. Ce sont donc bien les deux principes Musubi et Awasé qui permettent en fait d'accomplir cette mission évoquée par Ueshiba Moriheï, mission qui consiste à détourner vers la compassion ce qui, au début d'un combat, n'est que de l'ordre d'une approche brutale et destructrice.
Jean-Marc CHAMOT
Bien connu des amoureux du Japon mais aussi des passionnés des jardins japonais, le bonsaï est devenu un incontournable de la culture japonaise au même titre que le manga et le sushi.
Beaucoup moins connu du grand public, le suiseki est un art ancien, datant du VI siècle après JC, art intimement lié au bonsaï.
D’abord d’origine chinoise, cet art lié au bouddhisme puis au shintoïsme, faisait de certaines pierres des objets utilisés comme support de méditation, mais aussi des objets de valeur exposés dans le tokonoma des maisons traditionnelles japonaises.
Concrètement un suiseki est une pierre, naturelle, jamais coupée ou retravaillée si l'on veut conserver l'esprit traditionnel (dans la région shinto, les kami habitent les pierres, arbres, collines etc… Par conséquent, couper une pierre reviendrait à tuer un kami), et qui évoquera un paysage, une montagne, un objet, un animal... Au sein de chaque classe de suiseki, il existe des sous-classifications, très complètes (montagne vue de près, vue de loin, pierre plateau, pierre hutte, pierre abris, pierre personnage, etc...).
Ces pierres sont recherchées en montagne, dans le lit de certaines rivières, dans le désert... Une belle pierre, exploitable pour en faire un suiseki, est difficile à trouver et les zones propices à ces "récoltes" ne se transmettent que de passionnés à passionnés, un peu comme les coins à champignons. Mais en ouvrant l’œil chacun peut trouver un jour une très belle pierre méritant de devenir un suiseki !
Elle doit avoir évidemment une forme intéressante, « évocatrice », et doit si possible avoir une base plate.
Une fois découvertes, ces pierres seront lavées (afin de retirer tous les résidus de terre qui les salissent) et "patinées". Plusieurs techniques existent pour cette dernière phase, notamment le yoseki, c’est-à-dire le fait de laisser parfois des années les pierres exposées à la pluie.
Une fois prêtes, elles seront présentées de différentes façons :
- dans un daiza, socle de bois sculpté exactement à la forme de sa base (d'où l'intérêt, notamment pour les pierres paysages de trouver des pierres à base la plus plate possible).
La réalisation du daiza représente le plus gros du travail. Après avoir choisi un morceau de bois de bonne taille, tout le travail est de creuser celui-ci afin de réaliser une empreinte parfaite de la base de la pierre. C’est une tâche longue et demandant une grande minutie. Le daiza terminé se doit d’être discret, de couleur sombre, et ne doit pas voler la vedette à la pierre.
- dans un suiban, plateau de grès, de céramique (pierre posée sur un lit de sable, mais parfois aussi un fond d'eau, voir directement sur le plateau...).
- dans un doban, plateau de bronze.
Évidemment (comme beaucoup d'arts japonais !) tout est régit par des règles esthétiques qu'il faut connaître, et que l'on apprend au fur et à mesure.
Cet art est naturellement pratiqué par les japonais (http://www.suiseki-assn.gr.jp/en/ et http://www.suiseki.jp/intro.html), mais aussi en Europe (France, Allemagne, Espagne, Slovaquie et surtout Italie où beaucoup de très belles pierres européennes sont trouvées), aux USA, et un peu en Asie du Sud-Est.
La France est représentée par l’Association Française des Amateurs de Suiseki (https://www.afas-suiseki.org).
Les suiseki sont exposés en général à l'occasion d'expositions de bonsaï, mais certaines expositions leur sont exclusivement consacrés (La plus importante, la Nippon Suiseki Meihinten par exemple au Japon, mais aussi plusieurs expositions ont lieu chaque année en France, en Italie, en Allemagne etc..).
Chez son propriétaire, le suiseki se doit si possible d’être exposé dans un cadre sobre, dans la même idée que le tokonoma des maisons japonaises.
L’aïkido offre de grandes similitudes avec le suiseki : sobriété, objet méditatif évoquant Mushin, successions d’étapes semblant simples au premier regard mais qui ne le sont vraiment pas…
Pratiquer l’art du suiseki, comme celui du bonsaï, demande du courage, de la persévérance, de ne pas s’arrêter au premier échec, mais apporte de grandes joies dans la simplicité.
Voilà de quoi vous donner envie d’apporter un nouvel objet au kamiza de votre dojo !
Pierre Toyama-ishi (montagnes vues de loin)